J’avais la possibilité d’assister aux réunions des Alcooliques Anonymes

1er octobre 2004

Je m’appelle Chantal et j’ai quarante-trois ans. J’ai grandi dans une famille entièrement régentée par ma grand-mère paternelle, qui était une femme autoritaire. Mes parents n’avaient pas la possibilité de discuter ses décisions, puisqu’ils habitaient chez elle. J’ai connu les interdits les plus divers : de chanter, de siffler, d’écouter la radio. On me disait : « tais-toi, il faut que, tu dois ». J’ai grandi sans partager ce que je ressentais.

La nourriture a commencé à me poser des problèmes à l’age de seize ans. Je compensais par la nourriture, et à partir de cet âge j’ai commencé à me battre contre elle. A force de volonté, j’ai réussi à ne pas prendre trop de poids ou du moins à rattraper les excès de poids par des mois de régime. A trente deux ans, mon jeune frère s’est tué en voiture et la même année je me suis séparée de mon mari. Ces deux chocs émotionnels m’ayant ébranlée, je me suis réfugiée dans la nourriture, essentiellement le soir. Je mangeais puis j’allais dormir. J’avais conscience de ce problème, mais je pensais qu’avec le temps cela s’arrangerait. Progressivement, je me rétablissais de ces deux chocs, et, en sens inverse, la nourriture envahissait ma vie. Elle était présente à chaque moment de solitude, et, progressivement, perturbait ma vie affective avec mon fils, ma vie professionnelle . Le mauvais sommeil après les crises de boulimie m’obligeait à des efforts de volonté continuels pour faire face à la réalité. J’ai alors commencé à interroger les médecins. Aucune amélioration n’a été trouvée. J’ai consulté des psys, cela m’a aidé, mais pas dans mes crises alimentaires.

Après huit ans de cet enfer j’ai, par hasard, un jour rencontré une OA de Paris. J’ai écrit et on m’a répondu qu’il n’existait pas de groupe en Bretagne, mais que j’avais la possibilité d’assister aux réunions ouvertes des AA (Alcooliques Anonymes). Avec l’image que j’avais d’eux, il me fut vraiment difficile de les appeler. Après deux mois de galère, sentant que je n’en pouvais plus, j’ai appelé les AA et j’ai demandé si je pouvais assister à une réunion ouverte. La réponse fut positive. Il fallait alors franchir le pas, aller en réunion. Je me suis dis qu’au pire je recevrais un « non », et que je rentrerais chez moi.

J’ai été très bien accueillie, même si j’avais du mal à expliquer mon problème et si eux avaient aussi bien du mal à me comprendre. Mais j’y ai trouvé de l’amour, de la compréhension et de la gentillesse. J’ai trouvé des personnes qui fonctionnaient comme moi, qui avaient des problèmes et qui trouvaient des solutions. Je me suis identifiée à eux et j’ai alors demandé quand je pourrais revenir. Je suis revenue régulièrement. J’ai commencé à accepter : « que je suis boulimique », et j’ai commencé à travailler les douze étapes.

Mais j’avais besoin de m’identifier avec d’autres personnes boulimiques. J’ai été contactée par une personne boulimique de ma ville et nous avons décidé d’ouvrir un groupe OA. Nous avons demandé de l’aide aux AA, qui ont accepté de nous parrainer. Cette aide a été et est présente dans le groupe chaque fois que nous en avons besoin. Aide précieuse d’amis dans le rétablissement, et qui sont abstinents. L’abstinence, je la voulais. Elle a été longue à venir (deux ans), et elle est venue lorsque j’ai essayé d’aller bien, en cessant de me focaliser sur la nourriture. Je fête aujourd’hui ma deuxième bougie d’abstinence et je vais bien. Notre groupe fonctionne bien, je ne suis plus seule, je partage avec des amis AA, Alanon, OA.

Je n’oublie pas que je suis boulimique, fragile et sensible pour conserver mon abstinence et pour progresser en sobriété émotionnelle, un jour à la fois.

Merci OA, AA et Alanon.